Les logiciels libres sont un atout majeur mais encore trop souvent ignoré pour regagner notre souveraineté numérique
Le dynamisme des écosystèmes français et européen en matière de logiciel libre est incontestable. Mais, il ne suffit pas, jusqu’à présent, à réduire la dépendance multidimensionnelle à l’égard des géants nord-américains qui contrarie les désirs de souveraineté du bloc européen.
Depuis la fin des années 1980, le logiciel libre est une constante d’un monde informatique en perpétuelle mutation. D’un mouvement politique critique vis-à-vis de l’enfermement propriétaire à un outil décisif dans une économie numérique compétitive, l’open source est avant tout un vecteur de valeurs comme la transparence, d’ouverture et de collaboration.
En France et en Europe, les rapports parlementaires et les études économiques révèlent les bienfaits économiques et stratégiques de son intégration à une stratégie numérique holistique. Le gouvernement français appuie son usage au sein de l’administration publique à travers des lois, des directives et des initiatives de développement de la filière. Malgré des résultats hétérogènes, le dynamisme du secteur open source européen n’est plus à démontrer et son potentiel économique et stratégique fait maintenant consensus. Il s’agit dorénavant d’accompagner son développement avec des stratégies et politiques publiques adéquates, en s’inspirant des désillusions passées pour construire la souveraineté à venir.
Cet ouvrage pose les bases d'une autre politique, française et européenne, du numérique, plus ouverte, plus transparente, plus indépendante, plus libre et plus participative.
Le plan du livre est encore suscpetible d'évoluer d'ici sa publication.
À l'échelle nationale, le passage du "cloud souverain" au "cloud de confiance" trahit une baisse d'ambition. La souveraineté des données est, et cela fait consensus, une priorité certaine. Mais contrôler leurs vecteurs de transmissions l'est tout autant. Les deux vont de pair et doivent être attaqués de front, sous peine que le progrès de l'un vienne au détriment de l'autre.
L'UE mesure progressivement les conséquences stratégiques, politiques et économiques de la dépendance complexe dans laquelle elle s'est enfermée. Les technologies logicielles et les services développés par les géants américains jouissent d'un taux de pénétration sans précédent. Que l'on évoque les systèmes d'exploitations, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les achats en ligne ou encore les plateformes de streaming, les acteurs européens souffrent d'un manque de reconnaissance et de notoriété.
Depuis la fin des années 1980, le logiciel libre est une constante d’un monde informatique en perpétuelle mutation. D’un mouvement politique critique vis-à-vis de l’enfermement propriétaire à un outil décisif dans une économie numérique compétitive, l’open source est avant tout un vecteur de valeurs comme la transparence, d’ouverture et de collaboration.
Si le logiciel libre est toujours vecteur de la philosophie libertarienne des origines, les entreprises l’emploient davantage pour son efficacité économique. Bien commun par nature, le libre répond pourtant à des intérêts particuliers.
Ponts et chaussées virtuels de notre monde numérique actuel, les technologies ouvertes sont également au cœur des innovations majeures. Cloud, intelligence artificielle, cybersécurité, internet des objets : rares sont les domaines dans lesquels la collaboration à coûts transactionnels nuls, l’usage d’ensembles de données publiques, ou l’appui de la communauté du libre ne soit bénéfique.
Un autre logiciel libre, émancipé de la mainmise des GAFAM, est possible, voire souhaitable. Au cœur d’une innovation ouverte propice à l’innovation, ses fondements juridiques spécifiques ouvrent la voie à des modèles économiques prometteurs.
La formation initiale est un lieu privilégié pour inverser la corruption des esprits. Inclure les concepts du logiciel libre aux connaissances de base du numérique est un préalable à la construction d’une culture commune de confiance en nos qualités et compétences techniques internes.
En novembre 2020, la Commission européenne a rendu publique sa stratégie pour le logiciel libre. Celle-ci met clairement l’accent sur l’ouverture comme moteur d’innovation, d’autonomie numérique et de respect des citoyens et des utilisateurs. La Commission constate que l’open source permet à des organisations entières de facilement « se connecter de manière transparente au-delà des silos organisationnels et des frontières » pour améliorer l’efficacité de leurs processus.
Une vision macroéconomique de moyen et long terme doit gouverner la politique industrielle de valorisation de l’écosystème libre français. Pour encourager la transition efficacement, celle-ci se doit de mettre à profit le levier crucial de la commande publique, renforcer la préférence accordée à l’open source, et une attention particulière à la valorisation de l’offre actuelle.
Stefane Fermigier est un entrepreneur du logiciel libre. Il a notamment fondé les sociétés Nuxeo en 2000 et Abilian en 2012.
Animateur de la communauté française et européenne du logiciel libre et activiste de l'indépendance numérique, il a co-fondé l'AFUL en 1998, Eurolinux en 2000, le GTLL en 2007, le CNLL en 2010, l'APELL en 2020 et Euclidia en 2021, organisations qu'il a présidées ou dans lesquelles il a joué un rôle de porte-parole. Il est ou a également été co-fondateur et co-organisateur des conférences Open World Forum, Paris Open Source Summit, Open Source Experience et PyParis.
Titulaire d'un doctorat obtenu en 1996, il continue une activité de recherche industrielle ainsi que d'enseignement (à l'EPITA).
Pour être informé de sa publication, utilisez le formulaire d'abonnement ci-contre. Vous pourrez évidemment vous désabonner à tout moment.